Palais de l'Archevêché, Arles
09.11 > 24.11.24
Exhibition text by CRO – Alexis Loisel-Montambaux
Samuel Spone ouvre des brèches. Des brèches sur un monde industriel aux sonorités organiques. Le peuple de ce monde, s’il existe, naît d'amas de matière en fusion, de boules d’énergie implosant dans l'œuf, de radiations pénétrant les membranes.
L’hypochlorite se compose de chlorure et d’oxygène. Instable, cette molécule exposée à la lumière a tendance à se désagréger en atomes de chlore et en eau. Un poison et un liquide vital. En contact avec une matière organique, elle la ronge et produit de la chaleur, une chaleur pouvant provoquer un incendie si on en perd le contrôle.
Sur le portail voisin de la cathédrale Saint-Trophime, les bas reliefs présentent des créatures gueules ouvertes peuplant les limbes. Le feu produit la lumière, à la fois celle des cieux et des enfers. C’est une destruction et une renaissance. Cette renaissance là ne précède pas les lumières ; elle en découle.
Dans la froideur du palais épiscopal, le brasier a quitté l’âtre de la cheminée pour se propager sur les murs. À l'arrivée de l'hiver, les grandes cours des royaumes d’Europe opéraient une rotation du mobilier. Le mobilier tapissé de velours remplaçait le mobilier de soie. Ce cycle s’inversait la saison chaude venue.
Les toiles de Spone dessinent des portails qui nous ouvrent des univers où l’humain ne semble plus avoir sa place. A moins qu’il n’y soit pas encore apparu. Ces œuvres gardent les traces d’invocations émergeant de la pénombre. Elles fonctionnent comme la persistance rétinienne d’un feu ou d’une bataille. Une mémoire oculaire d’images imprimées sur les rétines des absents.
Samuel Spone donne vie à ses œuvres par brûlure. Des brûlures infligées au tissu par le chlore, ou par rayonnement laser. Le chlore dévore le noir et révèle des couleurs sous-jacentes. Ces cicatrices sont ravivées à la bombe, dont les couleurs fluo sont celles utilisées pour marquer les sols sur les chantiers et signaler en surface la présence de flux souterrains.
Aux murs, au sol, des formes se répètent : inscriptions calligraphiées, faux pavement en moquette de Christian Lacroix, embryons de lumière. La répétition est aussi celle des images pour faire naître l’animation ; celle des mouvements sur une chaîne de production mécanisée ; celle d’une salve surgissant dans le crépuscule ; celle des vertèbres qui forment une colonne.
Dans le calme enveloppant de la nuit, un écran vient de s’allumer.
CRO – Alexis Loisel-Montambaux
Cette exposition fait suite à la résidence de Samuel Spone au palais de l’archevêché en février 2024.